Bettina Rheims – Rétrospective

Du 16 juin au 13 août 2006

MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE LYON

On la présente volontiers comme la photographe de la peau et du nu féminin, cette première rétrospective de l’artiste nous révèle un œuvre pas si docile, hors catégorie.

Une bulle de chewing-gum prête à éclater, un visage disparaissant dans les nuées, un transsexuel en cours de transformation, le corps androgyne d’un adolescent, soit : saisie pour toujours, la beauté délicate d’un instant charnière et éphémère.

Dans la série Chambre close (1991), entre intimité et voyeurisme, la force dramatique de l’image vient encore de la sublimation de l’instant, celui du dévoilement. Bettina Rheims tire sur la corde sensible, et s’arrête juste avant qu’elle ne cède. Tension, légèreté et douceur, où l’improbable fait sourire, il y a du Matisse dans ces corps offerts sur fond d’arabesques en tapisserie. Une femme la tête couverte par un dessus de lit en chenille prend des allures de Madone ; une grande star

pause sur un vieux canapé, une autre s’alanguit sur une moquette toute pelée. Bettina dérange sans jamais choquer, elle reste sur le fil. Pourtant son regard est franc, sans compromis. Avec élégance, elle fait glisser les voiles de pudeur et à travers son regard fasciné, la photographie « révèle » ce que l’on ne saurait voir tout à fait en face : la mort (taxidermie), la sexualité (homosexualité, transsexualité, prostitution), le handicap (aveugle).

Bettina Rheims fait de belles photos au risque de se voir reprocher un esthétisme hérité de son activité de photographe publicitaire. L’exposition qui rassemble travaux de commandes et travaux personnels, montre merveilleusement combien Bettina a su, jonglant d’acquis publicitaires et artistiques, imposer un regard qui « blesse » l’évidence. Elle interroge constamment les pouvoirs de l’image par une mise en danger de la représentation, fragilisant l’aura d’une star, ou travaillant dans une démarche inverse, à retrouver la magie de l’icône religieuse dans INRI (1997). Elle désinhibe le regard, ouvre grand les esprits.

Article publié dans Art Press, Août 2006